Retour sur le séminaire de l’Académie des Technologies “Perspectives des technologies du Photovoltaïque” (08/01/2020)

Un séminaire sur les perspectives du Photovoltaïque à l’horizon 2030 a été organisé en séance plénière de l’Académie des Technologies, le 8 janvier 2020. Les intervenants étaient Florence Lambert (Directrice du CEA-Leti), Daniel Lincot (Ancien Directeur Scientifique de l’IPVF), Lars Oberbeck (Expert chez Total, Responsable de Programme au sein de l’IPVF) et Andreas Bett (Directeur du Fraunhofer ISE).

 

 

 

 

 

Les messages clefs issus de ce séminaire sont :

  • Le rythme des nouvelles installations de production électrique Photovoltaïque (PV) croît exponentiellement dans le monde de près de 20 %/an. Le chiffre provisoire des nouvelles installations en 2019 est de 120 GWp. Cette croissance devrait se poursuivre au cours des prochaines années.
    Ce rythme est rendu possible à la fois par l’augmentation de la capacité de production, la baisse des coûts de fabrication et les politiques publiques de l’énergie. Si la part de production électrique à base de PV est encore petite (de l’ordre de 1%), les ressources de lumière du soleil, d’espace utilisable et de matériaux ne sont pas limitantes, ce qui laisse envisager une part importante de cette production électrique dans les prochaines décennies.
  • Le coût des modules des nouvelles installations a baissé de 40 % par doublement de capacité entre 2006 et 2018. Ces installations permettent aujourd’hui des coûts actualisés de l’électricité produite de l’ordre de 0,05 USD/KWh, compétitifs dans un nombre croissant de pays. Cette baisse du coût des modules devrait se poursuivre dans les prochaines années, pour atteindre 15 cUSD/W vers 2030.
    Cette baisse concerne à la fois le coût des modules et celui des autres parties des systèmes PV, dont l’installation, si bien que le coût des modules devrait rester de l’ordre de 40 % du coût des installations. Elle provient à la fois du progrès des technologies, de la conception des installations, et des politiques de soutien à l’Industrie et aux nouvelles installations, notamment en Chine.
  • 95% de la production industrielle est aujourd’hui basée sur des cellules à base de silicium. Celles-ci s’améliorent continuellement. En particulier, leur rendement augmente d’environ 0,6%/an, en tirant parti de nouvelles architectures (contact arrière, technologie PERC, qui devient le standard et qui atteignent 24 % de rendement, architectures bifaciales..). Dans le même temps, la stabilité et la durée de vie des modules, qui sont des éléments critiques du coût de l’électricité produite s’améliorent ; ainsi la durée de vie des modules atteint aujourd’hui 30 ans.
    Cependant l’efficacité des cellules silicium mono-jonction devrait plafonner car elle se rapproche de sa limite théorique, qui est en pratique de 29 %.
  • Au laboratoire, une variété continuellement croissante de technologies (23 actuellement sans compter les différentes architectures) sont étudiées ; toutes progressent par sauts successifs. En particulier, les technologies dites de couche mince, ainsi que les technologies à base de pérovskites (qui sont des composés organométalliques) ont fait des progrès spectaculaires de rendement en peu d’années.
    Chacune de ces technologies pose des enjeux spécifiques ; par exemple, les couches minces de type « III-V » posent des problèmes de coût, tandis que les pérovskites posent des problèmes de stabilité à long terme.
  • Des solutions à base de cellules tandem (assemblage de deux cellules absorbant différentes longueurs d’onde de la lumière du soleil) sont étudiées partout dans le monde, car elles devraient permettre de dépasser la limite de rendement des cellules mono-jonction, la limite théorique des cellules tandem étant de 45 % de rendement. Les cellules hétérojonction du CEA sont au stade des premières installations industrielles, tandis que les cellules tandem pérovskite-silicium sont développées dans des installations pilotes au sein de différents instituts.
    Les Instituts de recherche européens sont collectivement en situation de leadership sur ces développements. Les architectures des cellules tandem du futur font encore l’objet de recherche, mais le choix d’utiliser des cellules silicium comme une des composantes de ces tandems permettrait de tirer parti des acquis de cette industrie. Au laboratoire, des rendements de 28 à 33 % de rendement ont déjà été atteints. L’objectif est de fabriquer industriellement des modules de plus de 30 % de rendement, et de durée de vie proche de 30 ans, produisant de l’électricité de façon compétitive avec les modules actuels, d’ici 2030. Il faut être en outre conscient que le temps caractéristique d’arrivée au stade de maturité industrielle des nouvelles technologies PV est de l’ordre de 10 ans.
  • Alors que le coût de modules baisse, la part du coût de leur transport depuis l’Asie augmente, pour atteindre aujourd’hui 9 %. Comme les usines sont largement automatisées, le coût de la main d’œuvre de cette industrie n’est plus autant un élément de compétitivité de l’Asie. Enfin le coût de la matière (le silicium purifié) peut devenir une limite à la baisse des coûts, tandis qu’il est dominé par celui de l’énergie nécessaire à sa production. Dans ces conditions, le coût de fabrication de modules en Europe peut être compétitif, voire inférieur à celui d’une production en Asie. Les conditions identifiées d’une telle compétitivité ont :
    > la création d’un écosystème industriel comprenant toutes les composantes de la fabrication des modules et les industries périphériques (équipementiers notamment), tirant parti des avantages des différents pays européens, et permettant d’optimiser les coûts logistiques de cette industrie ; par exemple, pour la fabrication du silicium, développer une industrie dans des pays où l’électricité est de plus faible coût et décarbonée (comme la Norvège ou la France) serait avantageux ;
    > la création d’usines de grande taille ; ainsi, pour la fabrication des modules, il est nécessaire de construire des usines produisant au moins 1 GW de modules /an, et de préférence plutôt de 10 GW ;
    > associer à ce développement des acteurs financiers et industriels permettant d’assurer les investissements nécessaires, tant dans les usines et leurs évolutions que pour les installations PV;
    > maintenir des politiques publiques favorables à la production et l’utilisation d’électricité renouvelable, assurant dans la durée l’existence d’un marché européen de grande taille ; en particulier, maintenir des réglementations favorables à de faibles coûts d’installation dans tous les pays d’Europe.

Une autre manière de considérer la question consiste à affirmer qu’il est nécessaire d’associer une politique industrielle à la politique ambitieuse de l’Europe en matière d’énergie et d’émission de gaz à effet de serre, pour tirer le mieux parti de la création de valeur associée.

  • Les Instituts de recherche et l’industrie du PV abordent la question de l’impact environnemental et du recyclage des panneaux. Compte tenu de la croissance récente des installations et de de la durée de vie de ces anneaux, ce besoin commence seulement à émerger, mais le recyclage deviendra un élément impératif de l’écosystème industriel du futur.
    En particulier, le besoin et le coût des métaux rares (par exemple, l’argent utilisé actuellement pour les électrodes), et le volume de silicium purifié sont des éléments pris en considération. Ce recyclage deviendra un élément important de stratégie industrielle pour l’Europe, à condition d’en maîtriser les coûts.
  • Compte tenu de l’intermittence de la production électrique des installations PV, ce développement doit être pensé en relation avec l’évolution des systèmes de production et de distribution d’électricité (réseaux intelligents, autoconsommation, stockage local de l’électricité, transformation chimique …).
    En particulier, il est de plus en plus fréquemment considéré que le prix de l’électricité à base de PV doit être celui d’installations associant production et stockage à base de batterie. Établir des liens entre les développements technologiques, industriels, de réglementation et de politiques publiques pour les batteries et pour le PV devrait faire partie des stratégies en matière d’énergie.

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